L’ILWU approuve le contrat imposé par le gouvernement et met fin à la grève des dockers canadiens
Le gouvernement libéral du Canada, soutenu par les syndicats, a réussi à forcer la fin de la grève de 13 jours des dockers de la côte ouest avec la connivence de l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU). Jeudi matin, la direction de l’ILWU Canada a annoncé qu’elle était parvenue à un accord provisoire de quatre ans avec la British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) sur la base d’une proposition de règlement rédigée par un médiateur fédéral de haut niveau, et que les travailleurs avaient reçu l’ordre de reprendre le travail immédiatement.
Le syndicat collabore maintenant avec les employeurs pour que les 7 400 dockers reprennent le travail dès que possible, sans qu’ils aient été informés des principaux détails de l’accord proposé, et encore moins qu’ils aient pu voter à son sujet.
L’arrêt de la grève des dockers par le syndicat est une trahison flagrante. Il s’agit d’une capitulation abjecte, non seulement devant les compagnies maritimes et les exploitants de terminaux, mais aussi devant le gouvernement Trudeau. Elle met en péril les droits de tous les travailleurs, car les syndicats ont une fois de plus clairement indiqué qu’ils se plieraient sans broncher à la législation briseuse de grève du gouvernement, et même à la simple menace d’une telle législation.
Mardi soir, le ministre fédéral du Travail, Seamus O’Regan, a annoncé qu’il invoquait l’article 105 (2) du Code canadien du travail, qui est hostile aux travailleurs, et qu’il chargeait un médiateur fédéral de rédiger une proposition d’accord que l’ILWU et la BCMEA auraient alors 24 heures pour accepter.
Cet ultimatum était une loi de retour au travail qui n’en avait que le nom. De plus, alors que les 48 heures s’écoulaient, les ministres du gouvernement, dont la ministre des finances et vice-première ministre Chrystia Freeland, ont dénoncé l’impact économique « intolérable » de la grève.
Le médiateur a pris un peu plus de la moitié des 24 heures allouées pour rédiger sa proposition, ce qui suggère fortement que le mécanisme juridique utilisé pour imposer l’accord dicté par le gouvernement a été largement discuté à l’avance.
À 10 h 20, heure du Pacifique, à 10 minutes de la date limite fixée par le gouvernement, le président d’ILWU Canada, Rob Ashton, a publié un communiqué de presse d’une seule phrase annonçant la fin de la grève.
Soulignant le caractère totalement antidémocratique de l’ensemble du processus, les parties ont convenu de garder secrets les termes de l’accord. « Les détails de l’accord ne seront pas divulgués pour le moment », a déclaré la BCMEA dans un communiqué de presse. Tout au long des négociations, la BCMEA, qui représente 49 employeurs du secteur privé, dont cinq entreprises géantes qui ont réalisé plus de 100 milliards de dollars de bénéfices rien que l’année dernière, a dénigré les travailleurs en les qualifiant de « surpayés » et a ridiculisé leurs demandes en les qualifiant d’inacceptables.
Malgré l’absence de détails sur l’accord, il ne fait aucun doute que l’ILWU a accepté une capitulation qui ne répond à aucune des revendications des travailleurs, y compris des augmentations de salaire pour suivre l’inflation, la fin de la sous-traitance et une véritable protection de l’emploi contre l’automatisation. La seule information rendue publique à propos de l’accord de principe, à savoir qu’il aura une durée de quatre ans, était l’une des principales revendications des employeurs. La BCMEA a d’ailleurs clairement jubilé à l’issue de cet accord, se réjouissant dans sa déclaration : « Nous souhaitons exprimer notre reconnaissance aux agents du Service fédéral de médiation et de conciliation et au ministre du Travail, Seamus O’Regan Jr, pour l’aide qu’ils ont apportée aux deux parties tout au long de ce processus. Nous tenons en particulier à souligner l’expertise et le dévouement sans faille du médiateur fédéral Peter Simpson et de son équipe, qui ont joué un rôle déterminant dans la conclusion d’un accord de principe ». […]
La grève de 13 jours a démontré avec force que les dockers sont confrontés à une bataille sur deux fronts : contre le gouvernement libéral soutenu par les syndicats et le NPD, qui applique les exigences de l’élite des entreprises et est prêt à écraser toute résistance qui entrave le programme de guerre et d’austérité de la classe dirigeante ; et contre la bureaucratie syndicale, qui est un appendice du gouvernement et des entreprises et qui sert leurs intérêts en supprimant la lutte des classes.
L’ILWU s’est efforcé, tout au long de la grève, de maintenir les dockers canadiens à l’écart de leurs frères et sœurs de la classe américaine, même si les dockers d’Amérique du Nord se battent essentiellement pour les mêmes revendications. La bureaucratie de l’ILWU a également constamment minimisé la menace d’une intervention gouvernementale et a refusé de proposer une stratégie permettant aux dockers en grève de lancer un appel aux travailleurs de tout le Canada pour qu’ils se joignent à eux afin de vaincre l’assaut de la classe dirigeante contre les droits des travailleurs. Puis, dès que le gouvernement a donné son « coup de pouce », l’ILWU s’est plié à ses diktats sans même un mot.
Un vote négatif mettra les dockers face à la nécessité urgente d’unifier leur lutte avec les dockers des Etats-Unis et du Mexique pour s’opposer à la poursuite impitoyable des profits par les compagnies maritimes mondiales. Il faudra également développer une lutte commune avec les travailleurs de tout le Canada pour faire échouer tous les efforts du gouvernement fédéral visant à intervenir avec toute la force de l’État pour imposer les exigences des patrons au moyen d’une loi briseuse de grève. Pour mener à bien cette lutte, les dockers doivent prendre le contrôle de la bureaucratie nationaliste et pro-corporatiste de l’ILWU en créant des comités de base dans chaque port. Nous encourageons tous les dockers prêts à se battre sur cette base à nous contacter pour discuter de la marche à suivre.
Extraits de l’article de Roger Jordan