Grève dans le transport aux Philippines : le bras de fer qui secoue le pays

Du 16 au 17 octobre 2023, le groupe de transport Manibela a amorcé une grève nationale mobilisant approximativement 240 000 conducteurs. Il s’agissait d’une réaction à des allégations de corruption au sein du Conseil d’administration sur la notation et la réglementation des transports terrestres (LTFRB).

Six ans de conflits tendus pour les franchises de transport

Cette grève découle d’un scandale qui a secoué le LTFRB, entraînant la démission du président Teofilo Guadiz III en raison d’accusations de corruption liées à un système de pots-de-vin en échange de certificats de franchises de transport. Cependant, il est important de noter que cette grève s’inscrit dans un contexte plus large de protestations menées par les franchises de transport. Celles-ci protestent sans arrêt contre un programme de modernisation des véhicules d’utilité publique (PUV) lancé en 2017 par le LTFRB avec l’approbation du gouvernement philippin.

Malgré les avantages potentiels de cette modernisation des PUV, tels que la réduction de la pollution et de la consommation de carburant, ce projet nuirait aux travailleurs du secteur des transports. Le programme vise à éliminer progressivement les vénérables « jeepneys » d’après-guerre, qui ont été réappropriés et principalement utilisés par les franchises de transport depuis des décennies. Cette transition vers de nouveaux « jeepneys » modernes s’avère financièrement difficile pour de nombreux conducteurs. Cette lutte perdure depuis plus de six ans, entraînant un retard significatif dans la mise en œuvre de la loi.

Cette grève s’oppose également à la date butoir du 31 décembre 2023 fixée pour la consolidation du programme. Ce qui laisse aux conducteurs moins de deux mois pour faire la transition vers les nouveaux modèles.

Les autorités responsables ont réagi à cette manifestation en menaçant de suspendre ou de révoquer complètement la franchise de Manibela après la grève. Elles ont aussi minimisé l’impact de la grève. Le secrétaire de l’intérieur, Benhur Abalos, est allé jusqu’à affirmer que c’était « comme si aucune grève n’avait eu lieu ». Le LTFRB a également prétendu que la grève des 16 et 17 octobre avait seulement perturbé 11 routes au total. Le groupe Manibela a répondu en accusant le LTFRB de diffuser de fausses informations, affirmant que la grève avait perturbé 600 routes à travers le pays avec la participation de 120 000 personnes dès le deuxième jour.

Un bilan préoccupant : les Philippines et la protection des droits des travailleurs

Le manque de relations constructives entre les franchises de conducteurs et le gouvernement philippin est un problème récurrent au sein du pays. Cette situation est reflétée par l’analyse du bilan annuel de 2023 établi par la Confédération syndicale internationale (CSI) sur les droits des travailleurs dans le monde.

Selon ce rapport, les Philippines figurent parmi les dix pires pays au monde en ce qui concerne les droits des travailleurs. Le classement attribué au pays est de 5 sur une échelle de 1 à 5, ce qui signifie qu’il n’offre aucune garantie en matière de droits des travailleurs. Ce constat est particulièrement préoccupant étant donné que les Philippines ont maintenu leur réputation en figurant dans la liste des pires pays en ce qui concerne le droit du travail depuis 2017. Le rapport de la CSI met en lumière les problèmes récurrents liés aux droits des travailleurs aux Philippines. C’est le cas de la violence à l’encontre des syndicalistes, les arrestations illégitimes et les tactiques antisyndicales employées par le gouvernement philippin pour décourager toute revendication de droits dignes des travailleurs.

Il est important de noter que ces problèmes ne se limitent pas aux seuls aspects mentionnés. Ils incluent également des pratiques illégales telles que l’embauche sans contrat, les retards dans le paiement des salaires, ainsi que le non-respect des avantages sociaux obligatoires accordés aux travailleurs.

Cela peut sembler paradoxal, car la section 3 de la Constitution des Philippines garantit les droits des travailleurs. Elle inclut des dispositions importantes telles que le droit à l’organisation syndicale, le droit à la négociation collective, ainsi que la protection totale des travailleurs par l’État.

 

Article paru sur le site perspective usherbrooke