Corporate Canada demande une loi anti-grève pour criminaliser la grève des dockers de la côte ouest, alors que les patrons interrompent les négociations.
La British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) a rompu lundi après-midi les négociations contractuelles avec les 7 400 dockers de la côte ouest du Canada, en grève depuis samedi. Cette action hautement provocatrice s’inscrit dans le cadre d’une campagne concertée des entreprises canadiennes visant à utiliser une loi anti-grève du gouvernement libéral fédéral ou la menace imminente d’une telle loi pour briser la grève militante des dockers.
« La BCMEA est allée aussi loin que possible sur les questions essentielles », ont déclaré les compagnies maritimes. « La poursuite des négociations à ce stade n’aboutira pas à une convention collective ».
La grève, qui a touché 30 ports de la Colombie-Britannique, dont le port de Vancouver, le plus grand du Canada, affecte plus de 800 millions de dollars canadiens d’échanges commerciaux par jour.
C’est précisément parce que les grévistes sont en position de force pour faire aboutir leurs justes revendications – qui comprennent des augmentations de salaire permettant de lutter contre l’inflation, la protection des emplois contre l’automatisation et la fin de la sous-traitance – que les employeurs s’acharnent contre eux.
Les ports de la Colombie-Britannique sont un pilier essentiel de l’économie nord-américaine. L’impact se fait déjà sentir dans le secteur automobile nord-américain, qui dépend de pièces et de matériaux expédiés d’Asie. « L’industrie [automobile] est si étroitement intégrée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique », a déclaré Brian Kingston, président de l’Association des constructeurs de véhicules, « même les retards dans les ports canadiens peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble de la production nord-américaine… Le port de Vancouver, en particulier, est important ».
Le gouvernement libéral de Trudeau au Canada et l’administration Biden aux États-Unis ont tous deux mis l’accent sur la consolidation des chaînes d’approvisionnement en Amérique du Nord et sur d’autres mesures protectionnistes économiques afin de faciliter leur guerre contre la Russie et les préparatifs d’un conflit militaire avec la Chine. L’Amérique du Nord est considérée par les élites dirigeantes des deux côtés de la frontière comme un bloc commercial fournissant la base économique et logistique à partir de laquelle les puissances impérialistes nord-américaines peuvent affirmer leurs intérêts mondiaux aux dépens de leurs rivaux.
La grève des dockers représente un défi direct à cet agenda, ce qui explique l’immense pression exercée par les entreprises canadiennes pour y mettre fin le plus rapidement possible. Samedi, le jour où la grève a commencé, la Chambre de commerce du Canada – la plus grande association d’entreprises du pays – a exhorté le gouvernement fédéral à « rappeler immédiatement le Parlement pour qu’il adopte une loi de retour au travail » afin d’empêcher toute nouvelle perturbation des chaînes d’approvisionnement du Canada.
Dans son communiqué annonçant la rupture des négociations, la BCMEA a déclaré avec arrogance que « l’ILWU Canada s’est mis en grève pour des revendications qui étaient et continuent d’être en dehors de tout cadre raisonnable de règlement ».
La BCMEA a dénoncé l’ILWU pour avoir été « constamment incapable de s’acquitter des tâches professionnelles qui relèvent de sa compétence ». En d’autres termes, les employeurs souhaitent l’expansion de la sous-traitance afin de pouvoir s’attaquer massivement aux salaires et aux conditions de travail des dockers. Ils ont également cherché à susciter l’animosité de la population à l’égard des grévistes, qu’ils considèrent comme gâtés et surpayés, en affirmant que le salaire moyen d’un docker de l’ILWU est de 136 000 dollars, plus les pensions et les avantages sociaux.
Le président de l’ILWU Canada, Rob Ashton, a répondu à l’agression des employeurs en admettant que le syndicat avait fait d’importantes concessions à la table des négociations et en appelant à la reprise des pourparlers. « Alors que nous disposions enfin d’un document largement accepté grâce à l’action continue du syndicat sur cette seule position, l’association a décidé de changer de position pour tenter de brouiller les pistes et de dénaturer le travail dont nous avons discuté pendant des mois », a déclaré M. Ashton. […]
Les cheminots, les travailleurs de Postes Canada, les travailleurs de l’éducation de l’Ontario, les travailleurs du secteur public du Québec – en fait tous les travailleurs du Canada – ont un intérêt vital à vaincre l’attaque systématique de la classe dirigeante contre le droit de grève et de négociation collective des travailleurs.