Trudeau et Biden s’allient pour mettre fin à la grève des dockers canadiens

Le gouvernement Trudeau et l’administration Biden conspirent pour mettre fin à la grève des dockers canadiens de la côte ouest

Par Roger Jordan

La rencontre de jeudi entre le ministre canadien du Travail, Seamus O’Regan, et la secrétaire américaine au Travail par intérim, Julie Su, doit être considérée comme un avertissement par les plus de 7 400 dockers canadiens de la côte ouest en grève dans 30 ports de la Colombie-Britannique. Elle souligne que le gouvernement libéral de Trudeau à Ottawa et l’administration démocrate de Biden à Washington conspirent en coulisses pour organiser l’arrêt de la grève, qui dure depuis une semaine et qui représente un défi direct aux politiques de guerre impérialiste à l’étranger et aux attaques contre les droits démocratiques et sociaux des travailleurs à l’intérieur du pays, menées par les élites dirigeantes canadiennes et américaines.

Les grévistes doivent réagir immédiatement en se préparant à défier l’intervention du gouvernement, qu’elle prenne la forme d’un accord de capitulation pourri concocté en coulisses ou d’une législation de retour au travail et de l’imposition d’un arbitrage contraignant.

Cela doit inclure la mise en place de comités de base dans chaque port pour prendre le contrôle de la lutte au détriment de la bureaucratie de l’ILWU (International Longshore and Warehouse Union), qui continue à minimiser le danger de l’intervention gouvernementale et à supplier les employeurs de revenir à la « table des négociations ». Les comités lanceraient un appel particulier aux 22 000 dockers des États-Unis, qui ont été victimes le mois dernier d’une conspiration similaire menée par la Maison Blanche pour bloquer une grève et imposer un accord de principe dont aucun travailleur n’a encore pris connaissance. […]

En 2018, le gouvernement Trudeau a criminalisé les grèves tournantes des travailleurs de Postes Canada qui luttaient pour des améliorations salariales et la sécurité de l’emploi. Et en mai 2021, le gouvernement Trudeau a imposé une loi de retour au travail à 1 100 dockers de Montréal, supprimant une lutte de plusieurs mois contre un régime disciplinaire brutal, des horaires pénibles et des réductions de salaire en termes réels.

La prochaine étape probable sera l’annonce par le gouvernement de la révocation du parlement, qu’il utilisera comme une menace pour forcer l’ILWU à conclure un accord. Si l’accord ne se concrétise pas, les libéraux chercheront à faire adopter une loi de retour au travail, qui recevra le soutien enthousiaste de l’opposition conservatrice. Le leader néo-démocrate Jagmeet Singh, qui prétend s’opposer aux lois antigrève, a en même temps renouvelé son engagement à soutenir le gouvernement libéral, ce qui souligne le rôle crucial joué par le NPD dans la préparation de l’interdiction de la grève des dockers.

L’ILWU n’a rien à offrir aux travailleurs face aux préparatifs ouverts du gouvernement Trudeau pour écraser la grève dans les ports de la Colombie-Britannique. Le jour même où M. O’Regan a rencontré M. Su, le président de l’ILWU Canada, Rob Ashton, a pris la parole lors d’un rassemblement à Vancouver auquel ont participé plusieurs centaines de travailleurs et a minimisé le danger d’une intervention gouvernementale. « Ils veulent la paix sociale ? Qu’ils s’assoient à la table des négociations », a demandé M. Ashton à la BCMEA. « Mais ils ne veulent pas, ils essaient d’attendre que le gouvernement fasse leur sale boulot. Ils ne veulent pas nous traiter avec respect. La commission de négociation est là. La commission de négociation est prête. La commission de négociation est prête à se lancer ».

Comme Ashton le sait parfaitement, puisqu’il a personnellement assisté à des réunions avec O’Regan et des médiateurs fédéraux, le gouvernement est déjà intervenu activement dans les négociations à grande échelle. Faire miroiter la perspective d’un accord « équitable » à la « table des négociations » dans des conditions où Ottawa et Washington conspirent pour briser la grève fait partie d’un effort conscient de la bureaucratie de l’ILWU pour tromper les travailleurs sur ce à quoi ils sont confrontés et ouvrir la voie à l’échec de la grève.

L’ILWU a également travaillé sans relâche pour isoler les dockers canadiens en grève de leurs homologues américains, alors même que les gouvernements canadien et américain collaborent étroitement pour étouffer la grève. L’ILWU aux États-Unis s’est engagé jeudi à ne pas manutentionner les cargaisons destinées au Canada sur les navires réacheminés de Vancouver ou de Prince Rupert pendant la grève. Mais cette annonce ne devrait pas avoir d’impact majeur, puisque les compagnies maritimes peuvent réétiqueter les conteneurs avec un nouveau port de destination pendant qu’ils sont en mer.

L’intervention directe de l’administration Biden dans la grève des dockers souligne le fait que les grévistes sont confrontés à une lutte politique. En réponse à la tentative des élites dirigeantes des deux puissances impérialistes d’Amérique du Nord d’interdire les grèves dans le secteur des transports pour renforcer la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et d’autres mesures économiques protectionnistes afin de poursuivre leurs ambitions prédatrices mondiales, les grévistes doivent élargir leur combat.

Les dockers de la Colombie-Britannique doivent lancer un appel à toutes les sections de travailleurs à travers le Canada, qui ont eux-mêmes connu des décennies de réductions salariales, d’attaques sur les avantages sociaux et les pensions et d’affaiblissement de la sécurité de l’emploi, pour qu’ils se joignent à une contre-offensive dirigée par les travailleurs contre l’austérité et la guerre. Les travailleurs du secteur public, de la santé, de la construction, de l’industrie manufacturière, des postes et autres sont des alliés naturels des dockers en grève, puisqu’ils ont tous été la cible d’une répression impitoyable des droits des travailleurs par les gouvernements à tous les niveaux, y compris des dizaines de lois de retour au travail au cours des dernières décennies.

Ce combat politique ne doit pas s’arrêter aux frontières du Canada. Les discussions de l’administration Biden avec le gouvernement Trudeau sur la meilleure façon de mettre fin à la grève ont une fois de plus démontré que les dockers du Canada et des États-Unis se battent pour les mêmes intérêts et font face à des ennemis communs. Ils doivent unifier leur lutte au niveau international en sortant du carcan nationaliste de la « négociation collective » imposé par l’ILWU.

Source: https://www.wsws.org/en/articles/2023/07/08/kgpc-j08.html