Vague de grèves en Espagne: 30 secteurs touchés

Une nouvelle vague de grèves a éclaté en Espagne après l’installation du nouveau gouvernement pro-guerre et pro-austérité du Parti socialiste social-démocrate (PSOE) et de Sumar, une coalition de partis pseudo-de gauche et staliniens.

Plus de 30 secteurs différents, dont la santé, l’éducation, les transports, les services d’incendie, la logistique, les mines, le pétrole, l’aéronautique, la métallurgie, les industries automobiles auxiliaires et l’assainissement, entre autres, sont touchés.

Les grèves montrent la détermination de centaines de milliers de travailleurs en Espagne comme dans le monde à mettre fin aux coupes drastiques qui ravagent leur niveau de vie. Mais elles prouvent également qu’ils ne peuvent défendre leurs intérêts s’ils restent soumis au contrôle des cliques bureaucratiques qui dirigent les syndicats, liées à des partis comme le PSOE et Sumar, qui policent la lutte des classes dans l’intérêt des trusts.

Lundi, 1 500 travailleurs du centre logistique d’Amazon à Dos Hermanas (Séville) dans le sud du pays, ont entamé une grève illimitée pour exiger de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. La grève est suivie par 90 pour cent des travailleurs selon les syndicats UGT (Union générale des travailleurs, social-démocrate) et CCOO (Commissions ouvrières, aligné sur Sumar). Les travailleurs qui ne gagnent en moyenne que 1 400 euros par mois tentent d’obtenir la parité salariale avec d’autres centres où les salaires sont en moyenne de 2.000 euros. Ils demandent aussi une meilleure compensation des heures supplémentaires et que les jours fériés soient comptabilisés dans le repos hebdomadaire.

Dos Hermanas est l’un des centres logistiques les plus modernes d’Amazon en Espagne. Entièrement robotisé, il a commencé à fonctionner en septembre 2020 et couvre une superficie de près de 180 000 mètres carrés, soit 26 terrains de football. Il a une capacité de stockage de 25 millions de produits et une moyenne de 450 000 unités sont préparées chaque jour.

Dans la région nord-est de la Catalogne, 55 000 infirmières sont en grève illimitée depuis la semaine dernière. Elles protestent contre un accord signé entre le gouvernement régional catalan et les syndicats UGT et CCOO, qui n’augmente pas leurs salaires et ne reconnaît pas leur catégorie professionnelle.

Bien que la grève n’ait été déclenchée que par les syndicats minoritaires du secteur et que des niveaux de service minimum draconiens aient été imposés par le gouvernement régional catalan, allant jusqu’à 100 pour cent dans certains postes, un grand nombre de travailleurs y participent; une large manifestation de milliers d’infirmières a été organisée le 15 décembre.

Des grèves régulières ont éclaté dans le secteur de la santé tout au long de l’année, dans différentes régions. Elles ont mobilisé des médecins, des infirmières et d’autres travailleurs de la santé, reflétant la détérioration de la santé publique sous l’effet de l’austérité. Toutefois, les syndicats ont délibérément isolé ces luttes et refusé d’appeler à une action unifiée dans tout le pays.

La semaine dernière, 9 000 travailleurs de Technological company, une filiale fournissant des services informatiques à la société de conseil Accenture, se sont également mis en grève. Dans certains centres, 100 % du personnel a participé à la grève. Les travailleurs réclament de meilleurs salaires.

Selon les syndicats, la main-d’œuvre a perdu un pouvoir d’achat équivalent à 58 jours de travail au cours des trois dernières années. Pendant ce temps, les membres du conseil d’administration de l’entreprise ont augmenté leurs salaires de 36 %. Le secteur du conseil est connu pour sa forte exploitation des travailleurs, forcés de respecter des délais stricts.

Dans le secteur aérien, 3 000 employés des services au sol d’Iberia, la compagnie aérienne nationale espagnole, qui fait partie de l’International Airlines Group, se sont mis en grève dans huit aéroports du pays. Ils réclament la fin de la sous-traitance à d’autres entreprises, qui entraîne souvent une détérioration de leurs conditions de travail.

Dans l’entreprise publique Correos, chargée des services postaux, les travailleurs ont été appelés à se mettre en grève pour le 29 décembre. Des grèves répétées ont eu lieu ces dernières années dans l’entreprise pour obtenir de meilleures conditions de travail.

Ce ne sont là que quelques-unes des grèves qui touchent des centaines de milliers de travailleurs, mais il y en a bien d’autres, notamment dans les écoles privées du Pays basque, chez les éboueurs de La Corogne (Galice), dans l’entreprise de machines de loisirs et de paris Operibérica à Getafe (au sud de Madrid), dans l’entreprise de plaques à induction et de fours BHS-Balay à Saragosse, dans l’entreprise de chaussures Pablosky à Tolède, dans l’entreprise de composants automobiles Airtel à Saragosse, et dans l’entreprise sidérurgique Comforsa, la plus grande entreprise industrielle détenue par le gouvernement catalan.

Ces grèves sont alimentées par une forte inflation, qui a fait chuter les salaires réels ces trois dernières années, ainsi que par la précarité à long terme et les mauvaises conditions de travail. En Espagne, les salaires réels ont baissé de 5,3 % entre 2019 et 2022.

L’année dernière, le nombre de grèves a été le plus élevé depuis 2012, année d’explosion des conflits sociaux suite à la révolution égyptienne et à l’austérité imposée à l’ensemble de l’Union européenne dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008.

La tendance s’est accélérée en 2023, avec une augmentation de 21 % du nombre de grèves par rapport à la même période en 2022. Cette tendance s’est partiellement interrompue avec les élections législatives de juillet 2023, les longues négociations pour former un nouveau gouvernement et les vacances d’été.

Aujourd’hui, encouragés par l’arrivée de Noël, une période très importante pour l’activité commerciale dans des secteurs clés de l’économie espagnole comme l’hôtellerie et les transports, les travailleurs reprennent la lutte contre les salaires de misère, les augmentations salariales sous l’inflation et la détérioration des conditions de travail. Des actions similaires ont lieu dans toute l’Europe et dans le monde, mobilisant des travailleurs qui sont confrontés non seulement à la répression policière, mais encore à des bureaucraties syndicales qui collaborent activement avec les entreprises pour supprimer, épuiser et faire dérailler ces luttes.

Bien qu’en 2023 l’inflation globale ne devrait atteindre qu’un peu plus de 3 pour cent, ces données ne reflètent pas la réalité quotidienne à laquelle est confrontée la classe ouvrière. Les prix alimentaires ont augmenté de 9 pour cent, ceux des transports de 5,2 pour cent et ceux des vêtements de 4,5 pour cent, tandis que les accords salariaux signés par les syndicats se sont traduits par une augmentation moyenne des salaires de 3,49 pour cent.

Les produits de base deviennent de plus en plus un luxe, comme l’huile d’olive – aliment de base du régime alimentaire espagnol – dont le prix a augmenté de 66,7 pour cent en un an; le riz, en hausse de 17 pour cent; et les légumes et légumineuses qui ont monté de 16,8 pour cent.

À cela s’ajoute le fait que le coût du logement reste totalement hors de contrôle. Le loyer d’un logement de 60 mètres carrés à Madrid représente 112 pour cent du salaire minimum.

En ce qui concerne les conditions de travail, selon un rapport publié cette année par le ministère du Travail, 46,9 pour cent des travailleurs (8,1 millions) ont un emploi précaire. Si l’on ajoute les chômeurs et les travailleurs indépendants précaires, le total s’élève à 11,9 millions de personnes. Ces travailleurs souffrent énormément, le rapport estimant qu’en 2020, 170 000 des 500 000 cas de dépression diagnostiqués (34 pour cent) étaient dus à la précarité de l’emploi.

Cette nouvelle vague de grèves soulève la nécessité de rompre avec les bureaucraties syndicales, qui ne servent pas les intérêts des travailleurs mais s’allient contre eux avec le gouvernement PSOE-Sumar. Ils sont tous déterminés, au nom de la compétitivité internationale, à infliger une défaite à toutes les luttes menées par les travailleurs en alliant trahison bureaucratique, répression policière féroce et lois draconiennes sur le service minimum.

Ces grèves ont lieu dans le contexte d’une montée en puissance de la lutte des classes dans le monde entier, dirigée contre les efforts des classes dirigeantes pour sabrer les salaires, le niveau de vie et les prestations sociales des travailleurs afin de financer la guerre que l’OTAN mène contre la Russie en Ukraine, le soutien au génocide israélien à Gaza – dans le cadre d’une escalade militaire dans tout le Moyen-Orient – et des programmes massifs de réarmement.

Pour riposter, les travailleurs doivent coordonner leurs luttes sur les différents lieux de travail, dans les différentes industries et dans les différents pays, en opposition à la tactique des syndicats corporatistes pour les diviser et les vaincre. Cela signifie qu’il faut créer de nouveaux comités de la base pour unifier et mobiliser le pouvoir social collectif de la classe ouvrière internationale.

Article publié sur le site de WSWS.